xp12w5 a écrit :
Or la vous préfèreriez ,si je vous comprends bien, par exemple dans ce cas , que l'on parle d'Ophtalmo Nasuta Gold .....et peu importe la localité ..... quel est le but ? là c'est clair que l'on ne parle plus de sélection mais son contraire , on perdrait les différenciations de localité !
De même pour tes Cypri Carl ....quel intérêt ????
Dans ce cas , puisqu'ils se ressemblent, pourquoi pas melanger du labidochromis Caeruleus Mbowe et Lion's Cove ............ c'est vrai que c'est toujours du labido caeruleus jaune .........
amicalement
Marco
Cool, Marc, c'est bien d'en débattre, mais ne t'emporte pas. Je m'explique:
Être pointilleux sur les localités, c'est bien à condition que les différences de localité soient significatives. Ça n'a pas de sens si elles ne le sont pas, et c'est contre-productif parce qu'irréaliste dans le cas d'un conservatoire.
Si les importateurs sérieux mentionnent toujours la localité précise, c'est en théorie parce que le distinguo est pertinent, mais en pratique, c'est bien souvent parce qu'on n'en est pas sûr, et qu'ils ne prennent pas eux-mêmes la responsabilité de le décider, ce qui est normal, malgré le fait que d'une importation à l'autre, le sérieux de celui qui a fourni cette localité est très aléatoire. Au passage, cette simple incertitude jette un tel doute sur n'importe laquelle de nos souches en aquarium que si l'on voulait archi-puriste, aucune ne vaut la peine d'être conservée.
Ensuite, parlons des différences dites significatives. là encore, depuis tout le temps que je m'intéresse aux cichlidés, j'ai toujours été frappé par la subjectivité des critères dits significatifs, sans parler de la méconnaissance de la variabilité réelle des populations sur le terrain. Très souvent, la différence est infime voire imaginaires entre deux variétés réputées "absolument impossible à confondre". C'est comme l'effet placebo ou les prévisions d'astrologie, si on n'essaye pas de prendre un peu de recul, il est très facile de se convaincre sur deux ou trois petits détail, qui sont en réalité de l'ordre de la variation individuelle, que ce qui a été vendu comme variété différente est réellement différent. Or, même quand il y a des différences visibles, elles restent largement dans le cadre de la variabilité naturelle d'une population.
C'est surtout sur les Tropheus qu'on observe un purisme exacerbé. Par exemple, depuis qu'on importe des Tropheus moorii moorii, c'est toujours sous quinze mille appellations ou localités différentes. Au départ, dans les années 70 et 80, il y a eu des "Zitronen 1, 2, 3"... ou des "sunset 1, 2, 3..." soi-disant impossibles à confondre. En réalité, d'après mon observation personnelle, les différences étaient minimes et non significatives: si, par malheur, deux lots arrivaient mélangés, il était impossible de dire qui était quoi. Tout au plus, pour les plus typés (un petit pourcentage), pouvait-on supposer qu'ils appartenaient à l'une ou l'autre des "variétés".
De nos jours, ces mêmes Tropheus sont importés avec des noms de localité plus précis, ce qui est mieux. Il reste qu'entre des lots de Mpulungu et de Kasakalawe, mon oeil à moi, avec ma subjectivité personnelle, ne voit pas de différence significative même sur de multiples importations. Et évidemment, sans parler du fait que certainement que des pêcheurs estampillent "Kasakalawe" des poissons pêchés à Mpulungu quand ils savent que les premiers sont plus réputés. Mais y a-t-il une différence vraiment significative? Quand de nombreuses personnes trouvent que oui, on voit une différence -le mieux est même de le faire avec des tests "en aveugle", alors, oui, le distinguo est valable. Autrement, non, on est dans le subjectif total. Bien entendu, les différences qui nécessitent un examen anatomique sont également à prendre en compte, à condition qu'il y en ait, mais je n'en parle pas pour simplifier.
Maintenant, tu pourrais me dire -et d'autres comme Laurent- que peu importe qu'on n'aperçoive pas de différence significative. Puisqu'on dispose de la localité, la rigueur nous impose d'entre tenir compte, malgré l'incertitude sur l'honnêteté du pêcheur, qui tend à se réduire au fil du temps et de la pression de la demande dans le sens d'une précision accrue. En bref, il faudrait toujours faire le distinguo, même pour un objectif purement abstrait. En théorie, oui, en pratique, c'est irréaliste.
C'est irréaliste parce que nos capacités en matière de conservation en milieu artificiel sont limitées, et donc, le nombre d'espèces x localités que nous pouvons accueillir est limité également. Ce nombre tend vers l'infini puisque une localité, c'est un point, et qu'il est possible d'augmenter pratiquement à l'infini le nombre de ces points. Beaucoup d'exportateurs ou importateurs ne se privent pas de le faire juste pour attirer l'attention sur leur poisson, qui est en réalité identique à celui qu'on à toujours pêché depuis le bloc rocheux qui est situé à 50 m de là (il y a des exceptions, j'y reviens). Et le fait que les populations soient isolés les unes des autres n'y change rien, les périodes de brassage peuvent être très éloignées dans le temps (en fonction des fluctuations des conditions écologiques) mais malgré tout empêcher une vraie dérive génétique significative.
En pratique, les programmes de conservation des grandes espèces animales, qui existent depuis longtemps, ne se permettent pas un tel purisme contre-productif. Prenons pour exemple la sauvegarde de l'ours des Pyrénées. Lorsqu'on en était à tenter de les sauvegarder, on n'aurait jamais pris le luxe de distinguer ceux du versant français de ceux du versant espagnol, même si leurs habitats fragmentaires étaient parfaitement isolés, et même en trouvant des différences entre eux: comme partout, et comme chez les humains, en cherchant bien, on trouve des différences et des tendances. Sont-elles significatives pour autant? Il n'y a jamais de réponse toute faite à cette question. Quoi qu'il en soit, pour nos ours, maintenant que les Pyrénéens "purs" ont disparu, on a importé des ours slovènes. C'est fâcheux, mais il s'agit du même ours, et il faut être pragmatique même si c'est un pis-aller.
En ce qui concerne nos cichlidés, il n'y a pas de réponse toute faite: parfois, des différences de localités sont minimes sur des centaines de km. D'autres fois, il arrive effectivement qu'à quelques dizaines de mètres près, la différence vaille vraiment le coup d'être prise en compte. Exemple: le Tropheus de Mpimbwe qui, d'un côté à l'autre d'un simple cap rocheux, passe d'une gorge jaune citron à une gorge orange chaud. Aucune autre différence n'est visible, mais il est compréhensible dans ce cas que nous ayons envie de faire le distinguo.
Pourtant, d'un point de vue naturel, il n'est pas forcément pertinent. Tu me parles de ce qui se passe dans la nature: eh bien, justement, la nature est loin d'être figée. En réalité, le simple fait de notre existence humaine et des bouleversements que nous induisons influe sur cette nature. Et un conservatoire influe en ce qu'il fige une situation qui est foncièrement dynamique. Nous sommes toujours puristes en ce qui concerne les hybrides interspécifique, parfois plus que la nature elle-même. C'est un fait indéniable: l'hybridation naturelle fait partie des processus d'évolution. Ce n'est pas pour autant que nous devons la cautionner chez nous, puisque nous voulons figer une situation pour la préserver de nos propres perturbations. Mais ainsi, on fige également l'évolution naturelle. Nous n'avons pas le choix.
Bref, j'espère qu'il est clair qu'il ne s'agit pas de m'en-foutisme, mais de pragmatisme (merci de ne pas me faire de procès d'intention sur ce point). Et ce pragmatisme se vérifie tous les jours: la réaction de Carl en est significative. Je ne porte pas de jugement sur le fait que la souche avec laquelle il veut mélanger ses poissons ne présente pas de différence significative, mais admettons qu'il ait raison de considérer qu'il n'y en a pas. Un purisme exacerbé conduirait Carl à attendre peut-être trop longtemps de pouvoir disposer à nouveau de mâles, et ses poissons seraient perdus. Il en est peut-être de même entre ces nasuta d'Ulwile et de Kipili. J'ai des doutes sur le fait que les différences soient significatives. Je n'affirme rien, je peux me tromper comme tout le monde, et je pense que plusieurs avis seraient nécessaires, mais à condition de ne pas avoir d'a-priori puriste. Il ne faut pas que ce soit uniquement par principe, sinon, encore une fois, d'un rocher à l'autre, il faudrait tout distinguer "par principe".
J'imagine encore qu'on dirait ou qu'on penserait: "peu importe que personne ne voie de différence, il faut être strict, et si les souches ne sont pas sûres, attendons d'autres importations qui, elles, seront sûres". Justement, en raisonnant comme ça, aucun conservatoire ne se justifie sur le long terme. Or, nous sommes bien obligés d'imaginer qu'un jour ou l'autre, la source naturelle pourrait se tarir. Ce jour-là, nous serons contents d'avoir des souches même quand des doutes persistent.
Exemple: le Julidochromis regani de Bujumbura, qui est introuvable, peut-être même en milieu naturel. Il semblerait qu'une personne en ait encore chez elle -je ne la cite pas, mais Benoît sait de qui je parle. Quand j'aperçois cette souche, je ne lui trouve pas exactement la forme des poissons que j'ai connus. Je suppose qu'ils n'ont pas été pêchés strictement au même endroit. Mais les différences que je vois restent dans la limite de variations individuelles. Récemment, j'en ai obtenu un vieux mâle de souche absolument inconnue, mais correspondant exactement aux canons du poisson que j'ai connu. J'ai depuis perdu ce mâle. J'ai pris connaissance de cette souche encore vivante juste après, et je n'aurais pas hésité à les mélanger, puisque nous n'en sommes pas à un point où nous pouvons nous permettre d'être puristes.