- 24 avr. 2009 21:30
#242073
En effet, il serait intéressant de connaître les autres Pseudocrenilabrus.
Pour Westie... pardon, Jérôme: je suppose que malgré le sceau d'infamie dont est frappée cette expression, tu sais qu'elle fait allusion à un stade intermédiaire entre deux taxons. Par exemple, l'australopithèque est le "chaînon manquant" entre le singe et l'homme.
On s'insurge de nos jours contre cette expression pour deux raisons. La première est justifiée: l'homme fait partie des singes, l'expression est donc un non-sens (sauf à admettre que "singe" est un grade, en fait).
La deuxième, c'est que la cladistique stipule que les formes de transition ne sont pas déterminées, elle ne raisonne qu'en matière de dérivations, en parlant des formes actuelles. Pour eux, dire que l'archéoptéryx est le chaînon manquant avec les oiseaux et un sacrilège. Pour eux, c'est impossible d'en être sûr, ils préfèrent parler de taxon-frère de tous les autres oiseaux.
Qu'il soit impossible de prouver si tous les oiseaux descendent de l'archéoptéryx ne veut pas dire qu'il soit impossible que tous les oiseaux descendent de l'archéoptéryx. Un taxon peut être ancestral à un autre, qu'ils le veuillent ou non. En nomenclature linnéenne, censée englober tous les taxons actuels et fossiles, il est impossible d'y échapper.
Quand on ne regarde que du point de vue des taxons actuels, en théorie, il n'existe pas de taxon plus ancien qu'un autre. Deux taxons mis en comparaison sont dérivés à partir d'un ancêtre commun.
En théorie seulement. En pratique, la vitesse d'évolution des taxons n'est pas la même selon les conditions écologiques, la dérive génétique, la vitesse de renouvellement des générations, etc. C'est ainsi qu'une espèce peut dériver d'une autre espèce toujours vivante en cas d'isolement géographique poussé d'un petit nombre d'individus, soumis à une forte pression de sélection. Dans ce cas, la dérive génétique aidant, la nouvelle espèce devient effective très rapidement pendant que l'espèce mère est restée sensiblement inchangée. De même, si l'espèce mère ne se reproduit que par mode asexué, elle ne bénéficie pas de la recombinaison génétique et demeure théoriquement figée: les individus sont une succession de clones.
Donc, le concept de taxon ancestral par rapport à un autre -autrement dit, de chaînon manquant- est sensé, même si, en théorie, il est marginal. La cladistique est une méthodologie qui se repose sur cette approximation, mais qui n'est qu'une approximation, pas une exactitude.
Pour en revenir (enfin) à notre Pseudocrenilabrus, il a tellement peu évolué par rapport à l'ancêtre commun entre lui est tous les autres haplochrominiens qu'il mérite amplement l'approximation de "chaînon manquant" entre les nidificateurs et les autres haplochrominiens plus évolués qui ont peuplé les différents lacs africains. Pis encore, il n'est pas impossible que si le vrai ancêtre commun, qui a sans doute existé il y a 10 à 20 millions d'années (au pif), nous était rapporté par un voyageur temporel sans que nous en sachions l'origine, nous le classerions dans le genre Pseudocrenilabrus. Dans ce cas, nous nous trouverions dans le cas où un taxon -entité non rigoureuse, ne l'oublions pas- serait réellement un "chaînon manquant". Mais nous n'avons évidemment guère de moyen de nous en assurer. Même si nous trouvions un fossile de Pseudocrenilabrus remontant à 20 millions d'années, rien ne nous dit que ses caractères non squelettiques ne seront pas plus primitifs que ceux des Pseudocrenilabrus actuels, ni qu'il est effectivement ancestral des genres d'haplochrominiens plus évolués.
Modifié en dernier par Hulk le 24 avr. 2009 21:50, modifié 1 fois.