- 12 sept. 2003 13:16
#78208
Commençons par sérier les choses ...
Vu qu'il est peu probable que les souches maintenues en aquarium servent un jour à repeupler les milieux naturels (aucune réintroduction réussie chez les poissons, d'après un bouquin de "Conservation Biology"), posons d'abord pour principe que nos écailles sont des animaux *domestiques*.
Dès lors, l'adaptation à la nature n'est pas de notre ressort, et, ne nous faisons pas d'illusions, nos écailles sont surtout adaptées ... aux bacs !
La notion de souche pure devient alors un débat plutôt philosophique, voire esthétique. Chacun ses goûts, quoi. C'est vrai qu'on a plus de plaisir à imaginer son bac comme une flaque d'un grand lac naturel, avec un peuplement semblable à celui du milieu d'origine.
Dans le cas du Victoria, la spéciation est extrèmement rapide (à l'échelle de la vie) et les espèces actuelles sont déja (un peu) différentes de celles d'il y a 2000 ans.
Vouloir fixer cette évolution dans nos bacs par la préservation de souches "pures" est aussi inutile que dangereux.
Bien sûr, l'hybridation peut être plus fréquente en bacs que dans les lacs du fait de la promiscuité, et elle n'est pas à encourager entre espèces trop différentes ; néamoins elle est (entre souches proches) un outil de maintien de la diversité. Elle a été utilisée à petite dose en ce sens par les conservateurs de souches de bétail domestique pour restaurer les souches traditionnelles.
Eviter les croisements délirants, oui, mais contôler la dérive génétique des populations trop petites par "injection" de gènes de souches proches peut éviter de produire des monstres consanguins !
Enfin, les critères couramment utilisés pour décider de la qualité d'un fish ne sont que le reflet de notre imaginaire (pattern, couleur) et nullement une séléction conforme aux besoins naturels.
Pour résister à la perche du nil, les cichlidés du Victoria sont confrontés à un défi évolutif inoui. Vouloir fixer les caractères actuels pour les réinjecter reviendrait à un retour en arrière sur cette évolution.
Peut-être que la future population du Victoria dans 1000 ans sera composée d'espèces plutôt ternes, mais dont le comportement sera "niloticus-proof". Or, il est impossible de sélectionner sur le comportement dans nos bacs, ou alors (et c'est pire) à notre insu par leur capacité à ingérer des ... granulés !
Je répète qu'il ne s'agit pas de produire des artefacts tels que les "têtes de lion", mais de pouvoir tolérer, sans l'exagérer, un certain brassage génétique.
A ce titre, la classification de 1 (souche pure d'origine connue) à 4 (mélanges probables d'origine inconnue) des espèces/souches/élevages est profitable. Elle donne au puriste un "label" de qualité, mais avoir une espèce "4" n'est pas une honte, ni un scandale génétique. Qui sait, peut-être qu'un jour seules les souches de type "4" auront assez de diversité pour se maintenir, voire, si les méthodes de repeuplement évoluent, servir de base à une éventuelle future recolonisation de biotopes détruits. Leur diversité sera peut-être néfaste (peu d'individus adaptés) et en même temps bénéfique (au moins quelques individus adaptés !).
Je ne suis pas "pro-mélange", mais pour une traçabilité correcte des repros permettant à chacun de faire son choix.
A méditer ...
Sylvain, alias Curcu.